Les parents ont un devoir d'éducation
envers leurs enfants. Ils ont la difficile tâche de guider le jeune enfant
pour lui permettre d'acquérir peu à peu son autonomie et de devenir à l'âge
adulte un individu et un citoyen responsable.
Pourtant, ce vaste programme n'est pas toujours facile à assumer et les jeunes
parents se trouvent souvent démunis devant leur tout jeune enfant qui ne sait
que réagir en exprimant son opposition, en faisant des colères ou des crises.
Cela commence avant même que l'enfant acquiert le langage et beaucoup de jeunes
parents, à bout de ressources, croient bien faire en donnant de petites tapes
sur les fesses ou les mains de leur petit enfant sous prétexte qu'il ne comprend
pas autre chose.
Ensuite, lorsque l'enfant a grandi, ils instaurent progressivement, toujours
en croyant bien faire, un système de punition-récompense "Tu auras ça si tu
fais ça ou si tu ne fais pas ça". Dans cet engrenage, le chantage affectif
occupe souvent la première place : "Si tu m'aimes, tu dois m'obéir, faire
ceci ou cela."
Ce système, qui peut donner l'illusion d'être efficace un temps, que ne ferait-on
pas pour avoir la dernière game-boy, révèle malgré tout très vite ses limites.
C'est donnant, donnant et l'enfant s'aperçoit très vite qu'à ce jeu là, il
détient un énorme pouvoir sur ses parents. Bientôt, on ne saura plus qui est
le maître-chanteur : les parents ou l'enfant.
Quoi qu'il en soit, le parents se trouvent très souvent confrontés à une escalade
dangereuse pour leur porte-monnaie et pour l'équilibre familial. La santé
psychique de l'enfant y est également mise à mal dans la mesure où l'enfant
se vide de ses désirs au fur et à mesure que ses parents lui accordent tout
ce dont il a envie.
La contre-partie de cette escalade est un sentiment de toute-puissance qui
peut envahir l'enfant et lui faire croire que c'est lui qui dicte sa loi à
ses parents en leur imposant tel achat ou tel autre ou en les obligeant à
suivre sa volonté : sorties, fréquentations...
Dans ce dysfonctionnement familial, les repères générationnels dont l'enfant
a besoin pour se construire, deviennent confus. Certains parents, conscients
des dérives de leur système éducatif, croient bien faire pour redresser la
barre, de donner des fessées, des gifles ou même de menacer du martinet.
Pour se déculpabiliser, ils déclarent :"Autrefois, on éduquait les enfants
comme ça !". Ou encore: "C'est comme ça que j'ai été élevé et cela ne m'a
pas fait de mal."
Quelques conseils pour aider les parents qui se sont engagés sans y prendre garde dans ces impasses éducatives dont ils voudraient bien sortir, et ainsi, participer à l'évolution de notre société qui va vers plus de respect de la personnalité de l'enfant.
Mais comment faire pour éduquer sans punir ?
L'autorité naturelle :
Beaucoup de parents qui ont recours
à ces attitudes éducatives le font par manque de confiance dans leur propre
autorité. Les parents inquiets doivent donc tout d'abord se persuader qu'ils
sont capables d'assumer leur rôle de parent sans avoir recours à des menaces
dignes d'un autre âge.
Au besoin, ils ne doivent pas hésiter à demander conseil à diverses associations
ou à consulter un psychologue. Cette démarche peut les aider à adhérer avec
plus de conviction à leur rôle de parents. Certaines villes proposent des
lieux de rencontre entre les parents accompagnés de leurs jeunes enfants,
type "Maison verte" créées par Françoise Dolto. Dans ces lieux, les enfants
jouent sous le regard de leurs parents. Des professionnels de la petite enfance
sont présents pour répondre si besoin est, aux interrogations des parents
qui souhaitent être guidés dans leur rôle éducatif. Les échanges entre les
parents eux-mêmes, sur les difficultés des uns et des autres, peut également
apporter un soutien efficace. Le fait de savoir qu'on n'est pas seul à avoir
rencontré tel type de difficultés peut rassurer et aider à les relativiser.
L'enfant qui dit toujours non :
Tous les jeunes enfants passent par
une phase d'opposition.
Dire "non" pour le jeune enfant, c'est souvent la première manifestation de
son individualité. S'il s'oppose à ses parents c'est pour mieux affirmer sa
personnalité.
Pour autant, les parents ne doivent pas se sentir menacés dans leur autorité
lorsque le tout-petit conteste.
Par contre, ce qu'ils vont faire de cette opposition leur appartient. A eux
d'expliquer le pourquoi de telle interdiction ou de telle obligation.
Quel que soit l'âge de l'enfant, cela passe par la parole avant tout. Tout
doit être expliqué au tout-petit dans le langage le plus approprié. Le message
le plus simple est souvent celui que l'enfant va le mieux comprendre. "Tu
dois aller au lit maintenant parce que tu es fatigué" "Tu ne peux pas manger
ceci parce que cela te rendrait malade" "Tu dois prêter tes jouets si tu veux
avoir des copains" "Tu ne dois pas prendre le jouet du voisin sans lui demander
s'il est d'accord"
Bien sûr, dans la période qui suit l'acquisition de la marche, les parents
se sentent quelquefois démunis parce que leur enfant, qui ne maîtrise pas
encore le langage, veut tout explorer dans son environnement au risque de
faire de grosses bêtises. Mais c'est justement en parlant avec l'enfant qu'il
va acquérir le langage.
En tout état de cause, l'enfant comprend beaucoup de choses avant de pouvoir
les énoncer. Quoi qu'il en soit, plutôt que de donner de petites tapes quand
l'enfant se met en danger, c'est aux parents qu'il appartient de faire en
sorte que la situation ne soit pas dangereuse pour l'enfant.
Les jeunes enfants se construisent en s'identifiant à l'adulte, donc, si vous
tapez votre enfant, ne vous étonnez pas de le voir, par la suite, procéder
de même à votre égard. Ce type de relation qui s'instaure souvent dès le plus
jeune âge sera, lorsque l'enfant va grandir, bien difficile à corriger.
Lorsque l'enfant grandit :
Eduquer un enfant sans punition doit
rester l'objectif de toute éducation. Les principes de la petite enfance restent
valables et ils seront d'autant plus faciles à mettre en oeuvre qu'ils ont
été à la base de la relation avec le tout-petit enfant.
C'est à dire toujours et toujours expliquer le pourquoi de principes éducatifs,
qui doivent avoir pour but de responsabiliser l'enfant à son propre destin
: "Tu travailles pour toi, si tu fais des efforts, quand tu seras grand, tu
pourras faire un travail qui te plaît".
C'est aux parents également de montrer le droit chemin en matière de citoyenneté
: respect de l'autre, respect de la différence.
Toutes valeurs qui sont d'ailleurs reprises à l'école.
Tous les acteurs du système éducatif doivent en effet avoir un discours et
des actes cohérents pour que l'enfant puisse adhérer à ce discours et le mettre
en actes.
Bien sûr, il y aura des ratées dans ce système sans punition mais lorsque
l'enfant devra être repris à l'ordre, la notion de réparation prévaut sur
la notion de punition.
La réparation :
Lorsqu'il y a un manquement aux principes
éducatifs en vigueur, que ce soit à l'école ou à la maison, il faudra avoir
recours encore au langage.
Parler avec l'enfant pour comprendre le contexte, l'enchaînement des faits
qui ont abouti à la mauvaise action. Bien souvent, l'enfant croit être dans
son bon droit en tout bonne foi.
L'aider à comprendre les conséquences de son acte pour mieux éviter la récidive.
S'excuser auprès de celui qui a été lésé est souvent un bon moyen de réparer
"l'outrage". Si les dégâts sont matériels, on peut imaginer un moyen de réparation
qui compensera le dommage.
Aider l'enfant à réparer c'est aussi le déculpabiliser par rapport à l'acte
répréhensible. Cependant, le rôle des parents est malgré tout de lui faire
prendre conscience que tout n'est pas toujours réparable, et que cela le sera
de moins en moins au fur et à mesure qu'il va grandir et devenir adolescent.
En tout état de cause, lorsque l'enfant semble prendre plaisir à faire bêtise
sur bêtise, cela doit alerter les parents. L'enfant exprimant bien souvent
un malaise à travers cette répétition. C'est souvent le seul moyen inconscient
qui lui permet de dire à son entourage que quelque chose ne va pas.
La consultation d'un service spécialisé dans la psychologie de l'enfant est
alors souvent la solution à privilégier.
Poser des limites à l'enfant :
L'absence de limite est toujours une
source d'angoisse. Un enfant qui ne se voit pas définir des limites claires
se trouve fort démuni. Il a besoin de savoir ce qu'il a le droit de faire
et ce qu'il ne peut pas faire.
Poser des interdits lui donne des balises qui le rassurent. L'enfant a besoin
d'un cadre qui va l'aider à grandir.
Certes, ce cadre évolue avec l'âge de l'enfant. Il convient d'adapter les
interdits avec le degré d'autonomie qu'il a atteint.
Ainsi les interdits de la petite enfance : ne pas descendre l'escalier, ne
pas sortir dans la rue tout seul, ne pas allumer la télé seront progressivement
levés.
D'autres leur succéderont : ne pas faire du vélo sur une route jugée trop
dangereuse, ne pas rentrer d'une visite chez un copain après une certaine
heure, ne pas regarder la télé avant d'avoir fait ses devoirs.
Mais les règles posées seront d'autant plus rassurantes qu'elles feront preuve
de stabilité.
Les décisions doivent être maintenues pendant une certaine durée et les deux
parents doivent s'accorder sur ces limites.
Si les règles changent trop souvent ou sont appliquées de façon aléatoire,
l'enfant vit alors une insécurité affective qui va l'angoisser et le priver
des bienfaits de l'anticipation.
Comment prévoir les conséquences de ses actes si les règles changent en permanence
ou ne sont pas respectées ?
L'absence de limites expose l'enfant à une illusion dangereuse : celle de
sa toute puissance. Si les parents ne mettent pas un frein aux débordements
de l'enfant, c'est la vie qui s'en chargera et le choc risque d'être rude.
L'autorité sert à comprendre à l'enfant qu'il n'est pas tout seul sur ce monde
et qu'il y a des règles valables pour tous. Pour autant, il est bon de préciser
que l'établissement des normes en vigueur dans une famille doit toujours s'élaborer
sur le mode de la négociation, les limites relatives à la sécurité de l'enfant
notamment.
La règle doit être annoncée de manière explicite et doit être conforme aux
valeurs fondamentales : respect d'autrui, respect de la personne de l'enfant.
La négociation avec l'enfant a pour but de lui faire comprendre que la loi émise n'est pas soumise à l'arbitraire de l'adulte mais qu'elle tire sa justification de lois universelles qui sont le fondement de notre civilisation.